Depuis l'édification de barrages en amont, il y a quarante ans, le fleuve n'avait pas affiché de si faibles débits. Tout le bassin va être placé en situation de crise. Des bancs de sable à perte de vue, la flore endémique qui reprend ses droits dans le lit du fleuve, des passages que l'on peut traverser à pied à Orléans ou en Loire-Atlantique... La sécheresse qui touche la quasi-totalité du territoire français frappe aussi son plus grand fleuve, la Loire. Elle donne lieu à des images impressionnantes mais pas si rares, le dernier épisode remontant seulement à 2019. Qu'on ne s'y trompe pas, toutefois le fleuve affiche des débits jamais vus depuis quarante ans, alors qu'on est seulement au deux-tiers de l'été et que cela risque d'empirer. Une situation inédite? La Loire a déjà connu de plus graves situations. Les derniers relevés affichent quatre-vingt-quatorze mètres cubes par seconde 94 m/s en aval à la station de Montjean-sur-Loire Maine-et-Loire, la station de référence, la dernière où l'on mesure du débit car après il y a l'influence de la marée », précise Matthieu Nicolas, de la division hydrométrie, hydrologie et prévision des crues à la Dréal direction de l'environnement, aménagement et logement de Loire-Atlantique. Avant les années 80, on dépassait fréquemment le seuil de crise de 100 m/s. En 1949, le débit était de 50 m/s. » Pourquoi les années 80? Car c'est la date d'entrée en fonction des barrages de Naussac Lozère et de Villerest Loire. Ces édifices qui retiennent l'eau sur la Loire et sur l'Allier, l'un des affluents importants en amont, visent la régulation du débit du fleuve pendant l'été, en période d'étiage basses eaux. C'est le débit le plus faible observé depuis la fin des années 70 », conclut Matthieu Nicolas. Il s'explique par un gros déficit pluviométrique, depuis le mois de septembre de l'an dernier. On a eu un hiver particulièrement sec. Le déficit est généralisé sur les nappes phréatiques et les affluents. » Les barrages vont retenir moins d'eau La situation de la Loire va malheureusement empirer dans les prochains jours. Réuni le 9 août, le comité de gestion des réserves de Naussac et Villerest a décidé de réduire l'écoulement de l'eau dans le fleuve. Le débit va encore se réduire. Le comité de gestion a fixé un objectif à 38 m/s à la station de Gien Loiret, celle pour laquelle on fixe un soutien d'étiage. Le débit y est actuellement entre 43 et 44 m/s », indique Sandrine Cadic-Jougeat, directrice adjointe de la Dréal Centre-Val de Loire, dont le périmètre s'étend à tout le bassin de la Loire. Des tensions sont actuellement observées sur l'alimentation en eau potable, note par exemple la préfecture de Saône-et-Loire, en aval des deux conséquence, c'est que la Loire s'assèche encore davantage depuis cette décision. C'est une décision inédite depuis la mise en place des barrages, insiste-t-elle. Elle a été prise pour avoir un soutien d'étiage le plus longtemps sur la durée, jusqu'à l'automne. » C'est en septembre voire en octobre que les fleuves comme la Loire connaissent habituellement leurs débits les plus faibles. Selon la situation météorologie et hydrologique, le comité de gestion des barrages pourrait donc revoir à la baisse sa copie et affaiblir encore le débit de la Loire. Seuil de crise général L'espoir viendra du ciel. Météo-France prévoyait ce week-end un apport de précipitations entre 10 et 20 mm, cela ne suffira pas à combler le déficit et sortir de la sécheresse », douche Sandrine nombreuses préfectures ont, dans leurs départements, déjà placé le bassin de la Loire en état de crise, avec pour conséquence de limiter fortement les usages de l'eau sur les bassins versants. Ce sera bientôt le cas sur tout le bassin de la Loire, qui s'étend sur km. Le seuil de crise sera atteint quand le débit constaté à Gien sera sous les 43 m/s », indique la directrice adjointe de la Dréal Centre-Val de Loire. Une question de jours, avec les mesures prises pour réduire le débit en aval des barrages objectif de 39 m/s. Une fois le seuil atteint, la préfète de Région qui est aussi préfète du bassin Loire-Bretagne informe tous les préfets de l'axe Loire-Allier afin de prendre des arrêtés de situation de crise sur le bassin. On risque de le constater dans les jours à venir. » Par conséquent, les usages de l'eau vont encore être restreints, pour l'arrosage des pelouses, espaces verts, l'irrigation agricole ou la navigation sur les canaux, et ce sur l'intégralité du bassin de la Loire. Localement, les préfets pourront durcir encore les conditions d'utilisation de l'eau. Ce qui ne manquera pas d'arriver, si la sécheresse dure jusqu'en octobre. En attendant, Sandrine Cadic-Jougeat tient à faire passer un message aux usagers du bassin Chaque économie d'eau est bonne à prendre pour préserver les usages jusqu'à l'automne. » Sinon, c'est un bien essentiel qui pourrait manquer l'eau potable. en savoir plusPoissons et amphibiens en dangerLes vagues de chaleur assèchent et réchauffent l'habitat des espèces animales et végétales présentes tout au long de la Loire. Dans certains écosystèmes, l'eau aussi se réchauffe et cela perturbe l'habitat des poissons et des amphibiens qui y résident. Plus le courant d'un cours d'eau est faible, plus sa température augmente vite », expliquait le 12 août à Franceinfo Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS. Les espèces ectothermes - poissons, reptiles, amphibiens et insectes - sont incapables de réguler la température de leur corps. C'est ainsi que certaines espèces peuvent mourir face à des changements trop brutaux de température. »Par ailleurs, en l'absence d'un débit assez important sur le fleuve, les particules toxiques émises par les rejets industriels ou d'eaux usés autorisés dans la Loire sont davantage concentrées, et menacent également la santé des animaux.